Mon métier est obsolète...et alors ?
Démodé par les "boudoirs" chics qui s'affichent ouvertement dans les quartiers branchés, marginalisé "pervers crade" par le succès persistant des supermarchés X aseptisés et déserté par l'anonymat de la vente par Internet... Le temps est parfois long dans la sex-shop à l'ancienne et la rentabilité moindre... Mais on y passe toujours de bons moments !
Entretien avec un irréductible,
Johann L..., propriétaire d'une sex-shop rue de la Gaîté
Ce seront les premiers mots de Johann lors de notre rencontre impromptue... C'est accoudés à la caisse de sa boutique encombrée, et peu distraits par les chalands que nous avons aimablement devisé avec ce pro du plaisir, observateur au long cours des pervers de tous poils.
Nouvelles Tentations :
De quoi se compose votre clientèle ?
Johann L :
Essentiellement d’hommes, mais de plus en plus de couples. De tous âges, même du troisième. Ce qui est amusant, c’est que les hommes, gros clients de vidéos et de cabines de projection, sont remplaçés par des couples… Ca donne lieu parfois à des scènes assez osées, mais enfin… Je ferme les yeux. Ou plutôt, je les ouvre.
Nouvelles Tentations :
Pas de femmes seules ?
Johann L :
C’est rare, elles vont plutôt dans ces boutiques "style bonbonnière élégante", mais ça arrive. En général, elles disent qu’elles veulent "faire une surprise" à leur mari et acheter un sex-toy. Bien peu avouent qu’elles désirent acheter un gode ou un vibro pour un usage solitaire. Sauf une femme, une fois, qui m’a fait déballer je ne sais combien de produits et m’a demandé une kyrielle de renseignements. Une méthodique, quoi.
Nouvelles Tentations :
Si la clientèle a évolué, diriez-vous que les goûts en matière de sex-toy ont évolué aussi ?
Johann L :
Je ne sais pas si c’est la demande qui a fait l’offre ou le contraire, mais je dirais que les sex-toys ne sont plus les mêmes qu’il y a dix ans (j’ai commencé à Pigalle il y a plus de onze ans). Ils proposent des plaisirs plus sophistiqués, plus précis – clitoris, vagin, anus, etc… De plus, le fétichisme et le SM soft ayant été dé-diabolisés, nous vendons plus d’articles tels menottes, fouets ou pinces diverses qu’auparavant.
Nouvelles Tentations:
Certains sex-toys sont chers. Les gens comparent-ils les prix, hésitent-ils à cause de cela entre deux articles ?
Johann L :
Ils peuvent hésiter entre deux objets à but similaire mais qui ont des prix différents. Mais s’ils veulent un vibromasseur à deux têtes, par exemple, ils ne vont pas acheter un vibromasseur simple parce qu’il sera moins cher que celui à deux têtes. Ils achètent en suivant un but sexuel déterminé. En réalité, la plupart des gens entrent ici en sachant ce qu’ils veulent trouver. On remarque les « débutants » au fait qu’ils achètent un godemiché simple. Pour voir, comme on dit au poker. A l’inverse, les « confirmés » vont droit au but.
Nouvelles Tentations :
Y a-t-il des objets que vous ne vendez presque pas ?
Johann L :
Je ne vends pas beaucoup de poupées gonflables, parce que les amateurs de ce genre de plaisir savent où trouver des modèles plus élaborés. Une anecdote, quand même : j’en ai vendue une à un couple parce que la femme ne voulait pas coucher avec une autre femme, malgré les demandes de son mari. Il l’avait persuadée de mimer l’amour saphique avec une poupée gonflable…
Nouvelles Tentations :
Les objets SM représentent-ils une bonne partie de vos ventes ?
Johann L :
Oui, mais des articles de base, si l’on peut dire. Menottes, martinets, pinces à seins, quelques cagoules… Les vrais amateurs, là aussi, savent où trouver des ustensiles ou des tenues plus raffinés ou perfectionnés.
Nouvelles Tentations :
Internet ne tue-t-il pas le commerce traditionnel ?
Johann L :
Il le met à mal, mais il ne le tue pas. Nous avons toujours celui ou ceux qui veulent voir et toucher l’objet avant de l’acheter, nous avons toujours ceux qui veulent acheter sur une impulsion – c’est pour ce soir !- et ceux qui n’aiment pas recevoir un gode par la Poste, au cas où le paquet arriverait éventré ou s’égarerait dans une autre boîte…
Nouvelles Tentations :
Vous permettez une question personnelle ?
Johann L :
Allez-y !
Nouvelles Tentations :
Travailler dans une sexshop a-t-il modifié votre vie sexuelle ?
Johann L :
Je suis marié depuis longtemps. Je ne sais pas si ma vie sexuelle a été changée, mais celle de ma femme, oui. Elle teste la plupart des objets. Cela m’aide à conseiller les clients…
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