Quelque temps après être revenu des enfers où nous croyions que l'abominable Moriarty avait plongé monsieur Sherlock Holmes, celui-ci eut l'occasion de montrer ses talents lors d'une affaire terrible qui fut passée sous silence, pour ne pas dire étouffée, car elle était si abominable que les plus hautes autorités décidèrent, étant donné la conclusion, qu'il ne servait à rien d'en dévoiler au public les péripéties. Si je le fais aujourd'hui, c'est que mon ami Holmes a beaucoup évolué sur le sujet, et qu'il s'en remet à mes capacités dans le domaine de la médecine pour donner un éclairage satisfaisant à l'Affaire, que ceux qui la connaissent appellent entre eux " L'Affaire de la Grande Malade ". Encore dois-je à la décence la plus élémentaire de prévenir ceux qui seraient choqués, sans doute à juste titre, par la crudité de certains détails, de ne pas poursuivre leur lecture et de nous abandonner ici.
Ce soir de novembre 1897, Sherlock Holmes, à qui j'étais venu rendre une de mes habituelles visites, était morose, agacé par les enquêtes sans intérêt dont, disait-il, on l'abreuvait, et qu'il menait à bien avec une facilité désarmante.
- Eh bien, Holmes, vous voilà encore plus vaniteux que d’habitude !
- A mon grand regret, Watson. Et si une affaire pouvait me faire rabattre mon caquet, j'en serais le premier ravi. Donnez-moi un crime qui me permettrait d'apprendre quelque chose…
C'est alors que la sonnette retentit.
- Ce soir, peut-être ? dit-il sur un ton sarcastique. A cette heure-là, il ne peut s'agir que d'une personne qui vient solliciter mes talents. Peu après, madame Hudson se présenta devant nous et nous annonça l'inspecteur Mac Donald, qui désirait voir monsieur Holmes.
- Tiens, tiens, dit Holmes, la police donne sa langue au chat. Et je suis le chat… Pourtant, ce Mac Donald est loin d'être des plus mauvais. Faites entrer, madame Hudson.
Elle n'eut pas besoin de s'écarter de plus de dix centimètres que la longue silhouette de l'inspecteur Mac Donald apparaissait dans la pièce.
- Excusez-moi, monsieur Holmes, et vous docteur Watson, de vous déranger à pareille heure.
- Mais nous vous en prions, dit Holmes sur un ton suave. Prenez d'abord un peu de cet excellent thé, il vous réchauffera après cette long examen d'une scène de crime sous la pluie…
- Qui vous l'a dit ? s'exclama l'inspecteur.
- Mais vous-même ! L'heure à laquelle vous arrivez me fait penser que vous venez du travail, d'une affaire urgente et inopinée. Les traces sur vos manches et votre bas de pantalon témoignent d'une longue besogne sous la pluie, celles à vos genoux prouvent que vous vous êtes penché sur le sol, et que cela ne peut être que pour une scène de crime. Sauf si vous cherchiez un objet perdu, mais il y a peu de chances…
- Eh bien, vous avez raison. Et croyez moi, c'est une affaire qui risque de faire du bruit.
- Je vous écoute.
Holmes se cala dans sa position favorite, les doigts joints, l'œil à moitié clos, presque rêveur.
- On nous a prévenu vers huit heures du soir que le cadavre d'une femme richement habillée gisait entre deux bosquets, près de Regent's Park. Nous nous y sommes rendus, et nous avons pu voir que la femme était couchée sur le dos, sans marque apparente ni de coup de couteau ni de strangulation, et qu'elle portait un manteau au-dessus de sa robe. J'ai ôté le manteau pour voir s'il y avait des traces sur la robe, et j'ai vu que celle-ci était légèrement déboutonnée au milieu du dos, et qu'apparaissaient de longues traces rouges, comme si la femme avait été griffée. Nous n'avons pas trouvé de sac à main. En revanche, j'ai fouillé un petit réticule à sa ceinture : il ne comportait qu'un mouchoir blanc, aux armoiries célèbres… celle des Fitz-Pauls.
Je ne pus m'empêcher de pousser un cri. Cette famille, une des plus anciennes de la noblesse anglaise, se voyait ainsi frappée une nouvelle fois par le malheur, Lord Albert Fitz-Pauls ayant été retrouvé pendu un an auparavant !
- La veuve de Fitz-Pauls, je suppose, dit Holmes.
- Comment le sav…
- Je le devine. C'est enfantin. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, les femmes de la famille Fitz-Pauls sont au nombre de trois. La mère de Lord Albert s'est retirée après le suicide de son fils dans le Suffolk, la fille de Lord Albert et de Lady Mary vit plus au sud de Londres tandis que le couple Fitz-Pauls vivait près de Regent's Park. Mais pardonnez-moi. Poursuivez, mon cher Mac Donald.
Je connaissais suffisamment Holmes pour me douter que s'il appelait Mac Donald "mon cher", c'est que l'affaire aiguisait sa curiosité.
- La disparition du sac à main, poursuivit Mac Donald, m'a fait penser à une agression suivie d'un vol. Ce que je ne comprends pas, ce sont les causes de la mort. Et ces griffures. Qui plus est, lady Fitz-Pauls portait encore ses bagues aux doigts. Avouez que c'est étrange, non ?
Tout d'abord, Holmes ne répondit pas. Il semblait perdu dans ses pensées, et il se tapotait de ses deux longs index les ailes du nez. Enfin, il sortit brusquement de son rêve et se dressa sur ses pieds.
- Intéressant. Deux choses m'étonnent, moi. La robe déboutonnée… au milieu du dos, dites-vous ?
- Oui.
- Au-dessus, et au-dessous, c'est bien boutonné ?
- Oui.
Holmes marcha de long en large, puis s'arrêta devant Mac Donald, le doigt pointé vers lui.
- D'abord, je vous félicite. D'autres que vous auraient cependant conclu un crime de rôdeur, un voleur dérangé dans son travail et qui n'aurait pas eu le temps de prendre les bijoux. Mais comment expliquer ces griffures, cette robe mal boutonnée… Et le manteau enfilé au-dessus des traces de l'attaque? Je vois déjà une explication. Elle n'a pas été tuée sur place, mais ailleurs. Et on l'a transportée près de chez elle, pour faire croire, peut-être, à un crime de rôdeur. Puis-je voir le corps ?
Nouvelle érotique " Sherlock Holmes - L'Affaire de la grande malade " © Nouvelles Tentations
Cette enquête, à laquelle je fus mêlé de près, dois-je l'avouer, fut la plus étrange que j'eus jamais à suivre aux côtés de mon ami Sherlock Holmes. Bien qu'il la considérât par la suite comme étant une des plus simples, elle fut si curieuse par sa nature et par l'attitude de Holmes que j'ai hésité plus de cinq ans avant de la publier, mais j'y trouve moi-même l'illustration la plus parfaite des dons exceptionnels de mon ami.
Aucun spectacle ne fut plus étonnant que celui de Holmes dans la salle glacée et sinistre où reposait le corps nu, allongé sur le dos, de lady Fitz-Pauls. J'aurais pu croire, si je ne connaissais pas Holmes, qu'il était pris d'une frénésie à caractère obscène, ou à tout le moins d'une honteuse curiosité. Ayant à peine salué le coroner, William Hox, bien que celui-ci fût très honoré par la présence de mon ami, ce dernier entama une sorte de danse du scalp autour du cadavre, se penchant sur les épaules, les cuisses, les genoux, les seins qu'il examina à la loupe, et, il faut le dire, les parties intimes, après avoir écarté les jambes. Il demanda qu'on retournât le corps, ce qui fut fait, puis examina le dos et les fesses, tous endroits que nous pouvions voir striés de rouge, marques d'un fouet ou d'une badine. Je sursautai quand Holmes osa – oui, car sur l'instant je ne pouvais m'imaginer que ce fût pour le bien de l'enquête- écarter les fesses, se pencher la loupe à la main, et examiner l'anus pendant plusieurs secondes. Il murmura des mots inintelligibles, puis remonta le long de la colonne vertébrale, la loupe toujours vissée à son œil, et laissa à deux reprises échapper un : "Tiens donc !..."
Il demanda qu'on retournât le corps une nouvelle fois et examina le visage, qui semblait intact, donc sans intérêt pour l'enquête. Semblait seulement, puisque Holmes s'y attarda, toujours la loupe à la main, et poussa une exclamation : " Voilà qui est original. " Enfin, il se redressa et fit face aux spectateurs que nous étions, le Coroner, son assistant, l'inspecteur Mac Donald et moi. Chose encore plus étonnante vu la scène qui venait de se produire, il souriait.
- Voilà, messieurs, un cadavre qui parle bien, et avec précision. Vous dirais-je que l'enquête est terminée ? Non. Il me manque encore quelques éléments. Mais… comment dire ? Les marques sur le corps sont passionnantes, mais pas moins que celles qu'il n'y a pas.
- Grands dieux, Holmes, pouvez-vous nous éclairer un peu plus ?
- C'est trop tôt, je le crains. Heureusement, l'inspecteur Mac Donald va nous emmener voir une personne qui pourra nous renseigner sur une bonne partie de l'affaire. Et cette personne est, évidemment …
Il laissa sa phrase en suspens, mais personne ne sut la terminer.
- La femme de chambre de lady Fitz-Pauls, voyons ! Je suggère que nous y allions de ce pas. Ah, coroner… Si vous procédez maintenant à l'autopsie, je serais curieux de savoir ce que vous aurez trouvé à l'intérieur de l'estomac.
Quand elle nous vit entrer, la jeune miss Pendergast fut terrassée par une crise nerveuse au milieu du salon, ce qui constitua d'après le majordome sa deuxième crise, la première ayant suivi la nouvelle de la mort de sa maîtresse, quelques heures auparavant.
Quand elle se calma, aidée par mes soins efficaces et ceux plus efficaces encore d'un bon verre de brandy, Holmes se pencha sur elle et planta son regard dans le sien, sans qu'il y eût la moindre trace de sympathie envers la jeune femme, pourtant si délicate et si perdue d'apparence.
- Allons, dit-il, il faut que vous répondiez à mes questions, si l'on veut connaître les causes et les circonstances du drame qui vous frappe.
- Oui… Oui, monsieur.
- Bien. D'ailleurs, je vais me débrouiller pour que vous n'ayez à ne répondre dans un premier temps que par oui ou par non. Cela vous sera plus facile… Commençons par celle-ci : est-ce vous qui apposiez des onguents pour apaiser les traces de fouet sur le corps de lady Fitz-Pauls ?
La jeune Pendergast resta bouche bée, puis se mit à hurler en pleurant. Holmes, qui s'y attendait, se saisit de la bouteille de brandy et lui servit un autre verre (un peu trop rempli, pensai-je, mais je n'osai intervenir).
- Eh bien ?
- Oui, finit-elle par articuler.
- Je le savais. Voyez-vous, Mac Donald, l'examen du corps de lady Fitz-Pauls m'a fait voir les traces d'aujourd'hui, certes, et d'autres plus anciennes, presque invisibles, mais de la même nature. Donc, elle avait eu des traces visibles par le passé, et ce ne peut être qu'une femme de chambre qui puisse s'en apercevoir. Mieux même, les soigner ! Il faut partir de cet élément : ce n'était pas la première fois que lady Fitz-Pauls avait été exposée à ces sévices. Deuxième question, mademoiselle: cela se produisait-il lorsque son mari était de ce monde ?
- Oui, dit-elle, en reniflant.
- Parfait. Maintenant, j'ai peur que vous ne puissiez plus répondre par monosyllabes, mais que vous développiez un peu. Quelle raison vous donnait-elle pour ces marques de fouet ou de badine ? – je pencherais plus pour le fouet, mais nous verrons cela plus tard.
- Elle me disait… Elle me disait que… Oh, mon Dieu…
- Allons, mon enfant. Que vous disait-elle ?
- Elle me disait des choses comme : "C'est affreux, n'est-ce pas ? Oh, que je souffre. Qui me libérera ? Qui ?"… Et elle se mettait à pleurer. Je lui ai dit : " Celui qui vous a fait ça est un monstre. " " Oh, je sais…" Au début, j'ai cru qu'il s'agissait de monsieur son mari, mais il était si doux… Et puis, un jour, j'ai entendu lady Fitz-Pauls, le lendemain d'un…d'un de ces événements horribles, dire à son mari : " Même toi, tu n'y pourras rien. Je suis prisonnière. "
Holmes parut réfléchir, puis :
- Pleurait-elle avant ces événements, ou après ?
- Après. Je crois que la douleur était trop forte. Je lui ai demandé pourquoi elle n'allait pas voir la police pour dénoncer ce monstre infâme. Elle m'a dit qu'elle ne le pouvait pas. Je pense qu'il devait exercer un chantage bien puissant…
- Oh, certainement, dit Holmes. Et je suppose que ces " événements " ne se sont jamais produits entre ces murs ?
- Non, jamais. Ils suivaient toujours une sortie de Lord et Lady Fitz-Pauls – oh, pas toutes les sorties, bien sûr, mais environ une fois par mois.
- L'après-midi, le soir ?
- L'un ou l'autre.
Holmes réfléchit un instant, puis sourit – enfin – à la pauvre jeune fille.
- Ce sera tout, mademoiselle. Je vous remercie.
Elle se leva, un peu chancelante, et je lui offris mon bras pour qu'elle puisse quitter la pièce. Je la sentis toute tremblante.
Dans mon dos, j'entendis MacDonald demander à Holmes s'il voulait visiter les appartements de Lady Fitz-Pauls, avant qu'il ne commandât une fouille circonstanciée.
- Je n'en vois pas l'utilité. Et épargnez à de jeunes inspecteurs déjà débordés de fouiller un appartement qui ne leur apprendra rien, si vous voulez m'en croire.
Nouvelle érotique " Sherlock Holmes - L'Affaire de la grande malade " © Nouvelles Tentations
Dans le fiacre qui nous ramenait à Baker Street, je ne pus m'empêcher de m'exclamer :
- Quelle sorte de monstre a-t-elle pu s'en prendre ainsi à cette pauvre femme ?
- Un sadique, mon cher. Il en existe beaucoup de par le monde, et celui-ci est d'une espèce particulière. Qu'en pensez-vous, Mac Donald ?
L'inspecteur hocha la tête :
- Il est clair que le monstre en question fouette et fait souffrir les femmes par plaisir.
- Oui, dit Holmes. N'ayons pas peur des mots, par plaisir sexuel.
- Comme le marquis français.
- Pas tout à fait, mon cher MacDonald. Je crois savoir que chez ce marquis de Sade, les personnes qui se font fouetter ou molester de la manière la plus atroce ne sont pas consentantes. Ce qui n'est pas le cas ici.
Je dois avouer que MacDonald comme moi-même sursautâmes, croyant que notre ami Holmes était devenu fou.
- Que dites-vous, Holmes ? m'écriai-je. Une femme retrouvée torturée, morte, et vous pensez que… Expliquez-vous ?
- Eh bien, dit Holmes, elle est morte, sans aucun doute, mais la cause de sa mort me semble tout à fait naturelle. Elle est morte d'une crise cardiaque, pendant qu'elle s'abandonnait au plaisir.
Je crois que MacDonald et moi comprîmes alors ce qu'il voulait dire, et nous en restâmes abasourdis. Il signifiait que lady Fitz-Pauls était une "masochiste", selon le terme qu'avait créé un psychiatre autrichien dans un ouvrage qui commençait à devenir célèbre et dont le nom m'échappait dans l'instant.
J'entendis alors que Holmes s'adressait à moi :
- Ne cherchez pas, Watson : psychopathia sexualis, de Krafft-Ebing.
- Comment diable avez-vous deviné que je cherchais ce nom? Ah, ça, mais c'est de la sorcellerie !
- Pas le moins du monde, mon cher Watson. Quand j'ai parlé du plaisir éprouvé par lady Fitz-Pauls, vous avez d'abord hoché la tête, prouvant que vous aviez compris, donc que vous aviez fait le lien avec cette perversion bien particulière. Ensuite, vous avez froncé les sourcils, votre regard s'est égaré, montrant que vous cherchiez quelque chose dans votre mémoire. Il ne faut pas être un grand sorcier pour deviner ce que vous cherchiez… Mais laissons cela, et revenons à notre enquête.
- Oh, oui, dit MacDonald, qui sentait qu'elle était bouclée sans grand effort de sa part et de quelques autres inspecteurs surmenés.
- Je vous ai parlé des traces qu'il n'y avait pas sur le corps de lady Fitz-Pauls. Ce sont des traces aux poignets ou aux chevilles : une femme horriblement contrainte et fouettée savamment ne peut qu'être immobilisée, à moins qu'elle ne se traîne par terre sous les coups, en ce cas elle aurait des traces aux genoux ou aux jambes. Or, rien de tout cela. Elle n'a pas de traces visibles aux poignets et aux chevilles, ce qui veut dire que si elle était attachée, elle n'a pas tiré sur ses liens pour se défaire mais qu'elle s'est contentée d'être maintenue. De plus, les marques sur sa peau sont certes suffisantes pour être visibles, mais elles sont égales et n'éclatent pas le derme, ce qui prouve qu'on ne cherchait pas à aller trop loin ou que le fouetteur ne s'est pas laissé aller à la sauvagerie. Cet homme se contrôlait. Il y a autre chose. Messieurs, nous sommes entre hommes, et qui plus est enquêteurs et médecin. Il n'y a donc pas de chastes oreilles. Autour de la bouche de madame Fitz-Pauls ainsi que sur son pubis j'ai trouvé des traces de ce qui me paraît être de la semence.
- Du sperme ? m'écriai-je.
- Très exactement, Watson.
- Comment êtes-vous sûr…?
- Votre question est à la fois étourdie et indiscrète. Laissez-moi poursuivre, maintenant. J'imagine que cette honorable lady aimait à être traitée comme une femme de peu. Son corps m'a à peu près tout raconté. Fouetté, pincé, mordu, il a dû être pénétré par plusieurs hommes, à la suite ou en même temps.
- Vous nous décrivez un viol, Holmes !
Il eut l'air un peu agacé, je l'avoue, par mon insistance à trouver en lady Fitz-Pauls une innocente victime.
- Non, pas de signes de rébellion, Watson ! Maintenant, je vous l'accorde, une femme pourrait être paralysée par la terreur et ne présenter aucun de ces signes. Mais il y a plusieurs autres détails. Son sexe n'est pas meurtri, son anus non plus, bien que dilaté, certainement par le passage de membres virils (un poil pubien sur la paroi l'atteste). J'ai découvert de légères traces d'onguent. Si le coroner fait bien son travail, n'en doutons pas, puisqu'il est au service de sa Majesté…
- Je vous en prie, dis-je, laissez la Reine de côté.
- Vous avez raison. Eh bien, le coroner trouvera des traces de sperme au fond de l'anus ou du vagin de la belle lady. Et sans doute dans son estomac, si la science permet une analyse aussi fine.
- Son estomac ?
- J'ai observé du sperme séché autour des lèvres. Je pense qu'elle en a ingéré du sperme par ce qu'on appelle fellatio. Qui est, soit dit en passant, une pratique à laquelle un violeur ne se livre qu'avec précaution. En quelle quantité? Suffisamment peut-être pour que le coroner nous le confirme.
- Mais c'est épouvantable… Holmes, vous ne devez pas vous tromper, c'est trop grave !
- Bien sûr, Watson. Enfin, n'avez-vous pas écouté la femme de chambre ?
Il s'adressait à MacDonald aussi bien qu'à moi.
- Si, dit l'inspecteur. Avec grande attention.
- Qu'en avez-vous retenu ?
- Qu'elle se disait prisonnière d'un monstre.
- Oui. Et elle pleurait. Le lendemain. Le lendemain, jamais la veille ! Et pourtant, il y a fort à parier que le rendez-vous avec ce monstre était prévu, étant donné l'emploi du temps chargé en mondanités du couple Fitz-Pauls. Donc, elle s'y rendait sans pleurs et se réveillait le lendemain baignant dans ses larmes. Le remords, messieurs. Post coïtum animal triste, disait Galien. Une fois ses sens repus, et après les lanières de cuir, l'immoralité de ses actes la torturait. Et ce n'est pas elle qui parlait d'un monstre. Elle se disait prisonnière, et elle ajoutait que personne ne pourrait la libérer. De qui? Mais d'elle-même, voyons. De ses désirs assouvis et renaissant sans cesse, comme le Phénix de ses cendres...
Il se tut brutalement, comme pris par des songes étranges. Je dois dire que j'étais aussi surpris par son hypothèse et ses conclusions que par la connaissance inattendue de la sexualité dont il faisait montre.
- Donc, dit MacDonald qui ne voyait que son enquête, son ou ses tourmenteurs ne sont coupables de rien.
Holmes sortit de son rêve et haussa les épaules.
- Homicide involontaire?... Fort involontaire à coup sûr, car je doute que des hommes qui ont eu une aussi belle femme livrée à leurs caprices aient eu la moindre envie qu'elle leur échappe définitivement. Oui, ils doivent être bien désolés.
- Quand même, Holmes, m'écriai-je, on dirait que ce sont eux que vous plaignez!
- Chacun s'amuse comme il peut. Vous me reprochez bien une consommation excessive – selon vous - de produits illicites… Enfin, MacDonald, je vous conseillerais de mettre un terme à votre enquête. De toute façon, elle sera étouffée. Une fois morte, lady Fitz-Pauls a été rhabillée à la va-vite et déposée non loin de chez elle. Je ne sais de combien de jours de prison pourraient écoper des hommes qui ont maquillé un accident en meurtre, ce qui ne manque pas d’être original... Et puis, il vous faudra dénicher tous les bouges secrets ou les soirées privées où l'on pratique ce genre de sport. Après tout, si cela vous tente…
Il sourit à MacDonald, qui ne répondit pas. Puis il se tourna vers moi:
- Cette enquête était bien rapide, et je n'ai pas appris grand chose…
- Holmes, m'écriai-je.
- Mais vous, peut-être?
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