Effet conscient ou lapsus artistique, ces oeuvres d'Elodie Lachaud sont empreintes d'une grande sensualité. L'œil est d'abord attiré par le vêtement, mais, inspiré par la nature alentour, magnifique et déserte, notre esprit commence à vagabonder. On se surprend alors à chercher le corps qu’on imagine dénudé… Brusque pulsion naturiste et communion impérieuse avec l'univers, dépouillement purificateur et renaissance intime et solitaire ?... On peut aussi rêver que ce corps n'est pas seul et que le désir l'a ainsi dévêtu au gré du vent… Peut-être est-ce trahir l'auteur, mais tout à fait délicieux à envisager.
Avant d'accompagner Elodie Lachaud dans ce " Circuit ", laissons-la nous en conter la genèse :
Avril 2006
Temps variable
je vais faire des photos.
mon amie Catherine a une idée en tête, un projet sur les robes de...
elle veut me le faire partager
j’accepte tout de suite…
je garde depuis toujours les vêtements que j’ai aimé porter…surtout des vêtements qui ont partagé ma vie auprès des hommes…de ma vie
et puis d’autres pour qui j’attache une affection particulière,
souvent pour leurs couleurs
je les ai presque tous acheté aux puces.
ils sont empilés dans un placard en haut,
sans air
j’ai décidé de les déplier, de les laisser….souffler…
on va faire ça à côté de chez Catherine, il y a plein de chemins qui ne mènent
nulle part
il y a des champs, la forêt
en fait, on marche tout le temps… parfois on installe les robes
- la robe de Gilles, la robe de Gilles et de Jean, la robe de Jean…
la robe de David n’existe pas… -
je les photographie très vite, on est pressées…
Voilà c’est fait
Je n’ai pas pu laisser le petit sac noir de Suzanne B, ma grand mère, ni la jupe tachée de peinture d’un spectacle
Elodie Lachaud
La robe de Gilles
Manteau
Bikini en tricot mauve
Chemise blanche
Sac de ma grand-mère - photo & dessin
La robe bleu de la rue de Tournon
La robe de Jean
Vent
Blouse de mes 18 ans
Photos © Elodie Lachaud
Elodie Lachaud est diplomée des Beaux-Arts de Paris (1988), a reçu une bourse des Beaux-Arts pour la Chelsea Art School de Londres en 1989. Artiste reconnue, elle expose régulièrement à Paris, Londres et Bruxelles.
Pour en savoir plus : Elodie Lachaud
Ce "Circuit" est double, " l'amie Catherine " (Catherine Bergeron, journaliste et écrivain) a composé des textes "enrobants"... Morceaux choisis :
UN BIKINI EN TRICOT MAUVE (moi, mai)
Dans le jardin encore hivernal où les arbres et les arbustes sans feuilles
poussent leurs bois noirs vers le ciel très bleu,
brille le soleil jaune des étoiles d’or des fleurs du forsythia
dont les branches retiennent un très aléatoire bikini mauve.
Quatre triangles reliés deux à deux
par des liens de métal ornés de perles colorées,
LA ROBE-BUSTIER AUX CERISES (elle, juin)
Accrochée aux ronces de l’églantier d’avril,
deux mois plus tard couvert de roses rose dragée,
l’une des robes où je me suis sentie, le plus, jolie. Fines rayures blanc/noir,
cerises rouges et feuilles vertes brodées sur le corselet à fines bretelles,
taille très serrée, soutien-gorge rembourré, à peine si, seins fermement rehaussés, je pouvais respirer, mais l’effet obtenu valait de retenir son souffle,
respirant à minces goulées je croyais alors, chaussée d’escarpins à talons aiguille, avancer à pas menus sur un nuage de haute volée.
L’allure n’était ni libre ni dégagée, le désir de séduction primait et vibrait en sourdine un espoir mal contenu, amour, réussite, gloire et tutti quanti.
C’est ma robe du nouveau monde qu’un homme a choisi pour moi,
une robe transatlantique qui voyage sans complexe de Los Angeles à New York en passant par Montreal et Toronto.
Là-bas, en cette tenue olé-olé, tout à fait décalée,
accompagnée parfois d’un gilet crocheté en laine noire,
je filme sans états d’âme les gratte-ciels des métropoles nord-américaines,
les autoroutes sillonnées du ruban rouge des feux de positions,
les jeunes gens en bermudas attablés/avachis
devant des milk-shakes à la fraise de synthèse.
Je traverse l’espace, j’avance sur le macadam, je me propulse dans les villes,
Aussi imperturbable qu’impassible, insensible, le cerveau fonctionne,
mes antennes enregistrent, la caméra tourne
mais mon cœur ne bat encore pour rien ni personne.
LA ROBE BLEUE DE LA RUE DE TOURNON (moi, juin)
Très bleue, plus verte que violette, encre W. bleu-vert. Bleu paon.
Outremer et bleu des mers du Sud, blue sky et azul de ultramar, caeruleus,
azur saturé, alchimie de poudres turquoise mêlées de lapis lazuli .
Bleu égyptien.
Bleus de métal, de pierre, de végétal.
Ni bleu de peur ni de colère, mais bleu d’audace et d’impact,
qui expose et distingue, éloigne et protège. Une armure qui indique : fêlure.
Rien à voir avec la naiveté des enfants de Marie. Un bleu à la fois très fort mais qui, revêtu, vous abstrait d’ici et maintenant,
un tel bleu, ou presque (une pointe de vert), le visible de l’invisible, disait K.
Un bleu absolu, infini, insondable.
En soie sauvage, une robe chemisier façon saharienne avec quatre poches plaquées, un col droit étroit et des manches longues dont on retourne le mince poignet.
Boutonnée de l’encolure ras du cou à l’ourlet au genou, déboutonnable à volonté, décolleté cuisses et seins réglable à souhait, l’humeur, l’herbe tendre.
Quelques pinces longues appuient la taille, une ceinture collier de lourds anneaux de métal sombre s’accroche à la pointe des hanches puis, à partir du fermoir, s’égrenne sur le côté.
Hier, aujourd’hui, demain, je n’hésite pas, si je porte cette longue chemise de ce bleu-là, je suis moi, ce qui n’a pas changé de moi, au plus secret comme au plus visible, hier, aujourd’hui et demain encore. Rare.
Textes © Catherine Bergeron
Photos © Elodie Lachaud
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